Frères brouillés, amis manipulés, magistrat révoqué, sur fond de trafic de chèques et sociétés écrans... L’affaire de blanchiment du Sentier II a pris lundi des allures de petits règlements de comptes entre amis, au premier jour de son examen en appel.
Avec neuf prévenus, dont seulement sept physiquement présents, le procès devant la chambre 5-12, dans une petite salle lambrissée du 2e étage du palais de justice de Paris, n’a plus grand-chose à voir avec les deux méga-procès du Sentier en première instance.
« Sentier I », affaire d’escroquerie découverte en 1997 dans le quartier parisien de la confection, s’était soldée par 88 condamnations en 2002; « Sentier II », blanchiment d’argent frauduleux mis au jour dans la foulée de la première affaire, par 104 condamnés en 2008.
Le blanchiment était essentiellement basé sur l’échange entre la France et Israël de chèques contre de l’argent liquide et permettait à des sociétés et associations de dissimuler au fisc une partie de leurs revenus.
Au final, moins d’une dizaine de condamnés de « Sentier II » ont fait appel.
Parmi eux, deux animateurs présumés de réseaux de blanchiment, Georges Tuil, 57 ans, et Albert Bussu, 45 ans, condamnés respectivement à cinq et quatre ans de prison ferme, sont en fuite et ne viendront pas.
« Venir en France signifierait être arrêté immédiatement », a expliqué l’avocate de Georges Tuil, ressortissant israélien.
Bien présent en revanche, Jean-Louis Voirain, 66 ans, ancien procureur adjoint du parquet de Bobigny révoqué en 2004, conteste sa peine de trois ans de prison dont 20 mois ferme pour corruption passive et trafic d’influence.
Son avocat, Jacques Vaslin, a déploré le « tintamarre judiciaire et médiatique » durant l’instruction et le premier procès, avant d’appeler la cour à « étudier le dossier en toute indépendance d’esprit ».
Les six autres prévenus font appel de peines de prison avec sursis et d’amendes dont ils ont écopé pour recel ou complicité, et font figure de seconds couteaux décidés à démontrer qu’ils ont été victimes de leurs relations.
« Je n’ai jamais participé à aucun des faits qui me sont reprochés », a lancé un expert-comptable, Jean-Luc Cohen, se disant « victime de sa proximité » avec son frère, lui aussi condamné (mais qui ne fait pas appel).
« J’ai été manipulé par mon frère« , a également accusé un gérant de société.
« Je suis toujours prêt à rendre service, je suis tombé dans un piège », a lancé un ancien chef d’entreprise, Ouzifa Trabelsi. Absent lundi matin, il était là l’après-midi, expliquant venir spécialement de Tunisie pour son procès.
« J’ai fait d’autres bêtises dans ma vie et j’ai été relaxé. Là, j’ai rien fait et j’ai été condamné! », s’est indigné un agent commercial.
Les cas des prévenus sont examinés un à un, en fonction des réseaux de blanchiment auxquels l’enquête les a associés. Le procès est prévu jusqu’au 15 décembre, mais pourrait se poursuivre trois jours début janvier si besoin.
Il ne reste en appel qu’une partie civile, le conseil régional d’Ile-de-France, victime de l’affaire du Sentier pour avoir, notamment, versé des subventions à des entreprises pour des emplois fictifs.
En première instance, l’intérêt s’était surtout porté sur le rôle de quatre banques, dont la Société Générale, qui étaient poursuivies pour avoir laissé transiter chez elles de l’argent frauduleux. Or, les banques ne sont plus de la partie: elles ont été relaxées et le parquet n’a pas fait appel.
Le procès, qui se déroule les lundis et mardis toute la journée, ainsi que les mercredis après-midi, reprend mardi à 09H30.
Via : AFP.com
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